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Compte rendu de Véronique Antomarchi, 17 janvier 2011.

Compte-rendu de l’ouvrage de Véronique Antomarchi, Professeur d’histoire-géographie au Lycée René Auffray (Clichy):

Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier, Françoise Thébaud (coord.), La place des femmes dans l’histoire – Une histoire mixte, Belin, 2010, 415 pages, 30 euros.

À l’usage des enseignants du primaire et du secondaire, ce manuel d’histoire, richement illustré, qualifié par les auteurs « d’ouvrage professionnel», présente une vision genrée de l’histoire. Il met l’accent sur les rapports entre les hommes et les femmes au fil du temps, dans des aires géographiques variées. Il répond ainsi à une directive récente du programme d’histoire de seconde (BOEN, 19 avril 2010) qui « place clairement au cœur des problématiques les femmes et les hommes qui constituent les sociétés et y agissent. Le libre choix laissé entre plusieurs études doit permettre en particulier de montrer la place des femmes dans l’histoire des sociétés ».

Le manuel repose sur une approche chronologique et se divise en cinq grandes parties :

« Femmes et hommes dans les mondes antiques et médiévaux », « Femmes et hommes dans les temps modernes et en révolutions », « Femmes et hommes à l’âge industriel (1850-1939) », « Femmes et hommes dans les guerres, les démocraties et les totalitarismes (1914-1945), « Femmes et hommes dans le monde de 1945 à nos jours ».

Chaque thème est illustré de dossiers qui éclairent un point particulier à l’aide de plusieurs documents. Une bibliographie étoffée en permet l’approfondissement.  Cet ouvrage s’inscrit dans une volonté d’aide à la pratique pédagogique des enseignants d’histoire qui trouveront là les outils pour réfléchir à l’intégration de la problématique du genre dans leurs cours, en s’appuyant sur des documents bien choisis, pouvant susciter le débat en classe. Il dresse de très nombreux portraits de femmes, parfois méconnus, qui peuvent s’intégrer aisément à la construction d’un cours. Un index des noms en fin d’ouvrage eût été pratique pour se repérer devant un tel foisonnement de personnalités.

Pour illustrer la place des sciences, nous pouvons citer parmi tant d’autres, Emilie du Chatelet (1706-1749), traductrice de Newton et Clémence Royer (1830-1902) traductrice de Darwin. La défense de l’égalité fut au cœur de l’engagement d’Olympe de Gouges (1748-1793), célèbre pour sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791 et de Mary Wollstonecraft (1759-1797), féministe anglaise dont la fille Mary Shelley publia en1818 Frankenstein considéré comme un des premiers romans de science-fiction.

La place des femmes est systématiquement analysée dans les différentes périodes de l’histoire, de la Grèce antique jusqu’au nouvel ordre mondial. Par exemple, le dossier consacré à là la guerre d’Algérie est éclairé par de nombreux témoignages féminins, souvent bouleversants. Religion, société, politique, droit, guerres, science, art mais aussi corps et sexualité, représentation et altérité, sont au cœur de cette histoire. L’enjeu essentiel de ce manuel est d’envisager une autre façon de transmettre et d’enseigner l’histoire. Il s’agit d’accompagner un changement de regard, incluant la dimension genrée de l’histoire et de contribuer ainsi à améliorer les relations entre filles et garçons dans une « cité mixte » pour reprendre l’expression de Michelle Perrot, une des pionnières de l’histoire des femmes en France, auteure de la Préface de l’ouvrage. Elle constate que si l’histoire des femmes est un champ de recherche désormais bien reconnu, 2 son enseignement reste encore marginal au sein de l’université et encore plus dans le secondaire. Cet ouvrage est le fruit d’un travail collectif de longue haleine : il a nécessité la participation de 33 auteurs (enseignants du secondaire, universitaires, chercheurs, inspecteurs pédagogiques régionaux) en majorité des femmes. Il émane de l’Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre (Mnémosyne) créée en 2000, qui a entre autres pour objectif d’assurer la transmission de l’histoire des femmes et du genre à tous les niveaux d’enseignement.

Un dossier sur ce thème avait déjà été publié dans la revue Historiens et Géographes(n°392, 393, 394, 2005-2006). La parution de ce manuel chez Belin en octobre 2010, avec l’aide financière du Conseil Régional d’Ile-de-France, s’inscrit dans cet objectif de transmission. Voilà un ouvrage important tant sur le plan quantitatif (plus de 400 pages) que sur le plan qualitatif (nombreux documents, bibliographie détaillée, pistes pédagogiques). Son objet est enthousiasmant : il s’agit de construire désormais nos cours en incluant les femmes dans une démarche humaniste et citoyenne L’outil est enfin là et fort bienvenu, en attendant que les manuels d’histoire mais aussi de géographie de demain intègrent systématiquement la problématique du genre. À nous d’être audacieux !

Véronique Antomarchi, Professeur d’histoire-géographie au Lycée René Auffray (Clichy).

 

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