Femmes-Coimbra

Sur un mur à Coimbra, Portugal. Photo Mnémosyne

 

Le Nouvel Observateur

Marketing de genre, « Lego » roses et dentifrice pour hommes

Andréa, Mia, Olivia, Stéphanie, Emma, et leurs animaux « trop mignons » n’en finissent pas de défrayer la chronique. A priori, rien de sulfureux chez ces mini-poupées spécialement conçues pour évoluer dans le monde merveilleux des briquettes en plastique de la marque Lego. Le hic, c’est que cette nouvelle gamme baptisée « Friends », lancée en janvier 2012, vise délibérément un public féminin et ne lésine pas sur les codes du genre pour toucher sa cible. Les boîtes de jeu déclinent à l’envi toutes les nuances du rose, les figurines sont plus réalistes et moins cubiques qu’à l’ordinaire, taille fine, poitrine légèrement marquée, cheveux onduleux. Et les thèmes choisis – club d’équitation, clinique vétérinaire, salon de beauté…- surfent à loisir sur les tendances du moment en matière de goût pour filles.

Charlotte veut « partir à l’aventure »

En France, tant que le débat sur le « genre » n’était pas venu semer la pagaille dans les écoles françaises, d’innocents parents se sont précipités sur cette nouvelle gamme aux couleurs acidulées (globalement un des thèmes les plus populaires de la marque tout pays confondu). Et ont rangé les toutes nouvelles constructions Lego aux côtés des cuisines équipées et autres poupées Barbie de leur progéniture féminine, ravie. Malheureux ! Aux Etats-Unis, les féministes n’ont pas tardé à accuser le groupe danois de contribuer à l’apartheid des sexes. Le pic de l’indignation semblant atteint en début d’année lorsqu’une petite Charlotte envoya à Lego –avec cette touchante écriture mal assurée propre aux enfants de 7 ans- une missive l’implorant de faire plus de « Lego » filles qui pourraient « partir à l’aventure » et non pas « rester assise à la maison, aller à la plage ou faire les boutiques ».

Des études sur 3000 filles dans le monde entier

Chez Lego, on avoue être tombé de l’armoire en découvrant l’ampleur de la polémique : « Avant de nous lancer, nous avions fait des études auprès de 3000 filles dans le monde entier pendant des années pour comprendre comment développer au mieux les produits Lego en leur direction, explique le directeur du service Design produit de Lego Friends. Et d’insister sur le fait que les briquettes roses ne sont pas moins créatives que les autres productions de la marque !

Plus tard le bleu deviendra le gris!

Certes ! Mais à y regarder de plus près, tout ce rose qui dégouline des rayons fillettes des magasins de jouet n’est-il pas stigmatisant ? « Depuis les années 50 et l’invention du rose et du bleu, on sait que les codes couleur sont essentiels en marketing », décrypte Babette Leforestier, auteur d’un Blog hilarant sur le marketing après avoir créé et dirigé pendant plus de 16 ans le Marketing Book de TNS Sofres. « Plus tard, continue-t-elle, le bleu deviendra pour les hommes le gris, le chromé, le noir… ». Rien de dérangeant a priori. Sauf que derrière ces codes visuels rabâchés jusqu’à la caricature se cachent aussi des stéréotypes moins innocents : « C’est flagrant dans les pubs pour les parfums où les femmes ont toujours des gestes doux, sensuels, caressants… tandis que les hommes sont ‘bruts’ ou associés à des étalons », relève l’ancienne directrice marketing en s’agaçant de voir que des ficelles aussi grosses sont toujours aussi efficaces.

Aux femmes les petites bagnoles

Dans la plupart des publicités automobiles, aussi, le marketing de genre fait rarement dans la dentelle. Les constructeurs ont évidemment intégré que les femmes conduisaient tout autant que les hommes et que la moitié d’entre elles achetaient même seule leur future voiture. Mieux, ils savent parfaitement qu’elles sont largement décisionnaires au moment de l’acte d’achat. Et pourtant, les stéréotypes sexuels continuent d’avoir la vie dure dans cet ancien bastion de la virilité. Aux femmes donc les petites bagnoles qu’elles conduisent cheveux au vent, aux hommes les grosses berlines bien carrossées, les 4X4 vrombissant ou même les voitures familiales pour balader fièrement sa joyeuse progéniture.

Le marketing est tour à tour macho ou féministe

Doit –on pour autant considérer le marketing de genre comme l’expression du sexisme le plus honteux ? « Evidemment pas ! » répond Elisabeth Tissier-Desbordes, professeur au département marketing d’ESCP Europe. « Par contre, nuance t-elle, le marketing, en se focalisant sur un phénomène et en le grossissant, a tendance à renforcer les stéréotypes sociaux. Et être tour à tour macho ou féministe. C’est un vrai cercle vicieux ! » En gros, il ne faut pas demander à la publicité de changer le regard que les individus portent sur eux mêmes ou d’offrir une vision philosophique du monde. Ce n’est pas son rôle. « Par contre, précise la spécialiste, s’il ne veut pas rater sa cible, le marketeur a tout intérêt à définir avec finesse ce qui relève de la féminité ou de la masculinité dans un produit ».

Il y a peu de produits limités par la biologie

Dans cet optique, le marketing de genre présente un double intérêt : il permet de toucher au mieux sa cible, en surfant avec subtilité (ou pas) sur les stéréotypes liés au sexe mais aussi d’explorer de nouveaux marchés, de les segmenter. Car hormis les soutien-gorge ou les serviettes hygiénique, il y a finalement assez peu de produits limités par la biologie. Séduire les femmes avec des produits réputés masculins est relativement facile. On admet qu’une femme puisse se saisir d’une perceuse ou pose seule un parquet (comme dans une pub récente pour les magasins Leroy Merlin). Et personne ne pousse des cris d’orfraie lorsqu’une petite fille joue avec les figurines Star Wars de la marque danoise. A l’inverse, séduire des hommes avec des produits considérés comme féminins est une autre paire de manche.

Le succès du Coca Zéro

Deux exemples font école en la matière et viennent facilement aux lèvres des professionnels du marketing : le boom des cosmétiques pour hommes dans les années 90 et l’invention du Coca zéro (début 2007). « On avait un marché de la beauté essentiellement féminin mais un marché saturé », raconte Elisabeth Tissier-Desbordes. « Pour attirer les hommes, il a fallu jouer non pas sur le ‘désir de plaire’, de ‘prendre soin de soi’, mais sur la valorisation, l’expertise. » Un pari réussi par Nivea for men ou Men Expert mais impossible à réaliser pour une marque comme Lancôme, perçue comme très féminine. Même problème avec le Coca Cola light, essentiellement prisée par la gente féminine. D’où l’idée de cibler essentiellement les hommes et de créer un nouveau packaging qui valoriserait leur virilité: le Coca Zéro. Et là, bingo ! « Ils ont vraiment fait du marketing de genre », décode, admiratif, Michel Reynard, directeur marketing du Département Quali-stratégique de TNS Sofres. « Il y a évidemment la couleur noire, mais aussi la disparition du mot ‘light’ ou ‘sans sucre’, trop connoté féminin. » Pourtant, ce professionnel goûte peu le marketing du genre et trouve la formule un peu confuse et trop polémique, sans rapport avec la réalité du marché. « Il y a évidemment un marketing sexué, reconnaît il, le marché de la beauté, ou, hélas, celui de la lessive. Mais l’on sait aussi que les hommes et les femmes ne raisonnent pas de la même manière en terme d’achat. C’est une évidence et la démarche Lego ne me choque pas une seconde ! ». Et demain ? Le marketing pourra-t-il casser les stéréotypes du genre et s’adresser de la même manière aux hommes et aux femmes, sans a priori ?

Des produits sans genre

En 2011, la papesse américaine du marketing, Faith Popcorn, prédisait la disparition du « gender marketing » à la faveur de produits « sans genre » combinant les valeurs masculines et féminines, tel l’iPhone d’Apple, un bijou de technologie au design ultra léché ! Cette tendance à l’homogénéisation de certains marchés, comme celui de l’ iPhone, ou même des monospaces, n’a pas échappé à Michel Reynard. Mais à ses yeux, celle-ci n’est qu’une tendance parmi d’autres : « Ce que j’observe personnellement, c’est plutôt le désir d’être distingué, individualisé comme sujet unique parmi la foule. Et marquer fortement son identité sexuelle va plutôt dans ce sens. »

Redonner le sourire aux hommes

Un discours qui devrait séduire Unilever. En janvier de cette année, le groupe néerlandais d’agro-alimentaire et de cosmétiques a lancé sur le marché un dentifrice spécialement conçu pour les hommes sous la marque Signal : White now men. Une première mondiale ! Tube habillé de noir, goût puissant, ce nouveau dentifrice promet la blancheur éclatante et instantanée grâce à une technologie brevetée : le blue light. « On est parti du constat que les hommes avaient les dents plus jaunes que les femmes pour des raisons comportementales (alcool, tabac…) » explique avec enthousiasme Delphine Leroyer, chef de produit Signal, pour justifier l’intérêt d’un dentifrice dont l’utilité aurait pu nous échapper. Une fois ce constat scientifiquement établi, ne restait plus qu’à établir la réalité d’un marché. Et bien oui, ces messieurs ont non seulement manifesté le désir de plus de blancheur mais ont aussi revendiqué des goûts différents de leur compagne ! A la fin du mois de mars, les publicité (http://tempsreel.nouvelobs.com/tag/publicite)s pour le « White now men » devraient débarquer sur nos écrans. « En gros, on veut montrer qu’avec un beau sourire et des dents bien blanches l’homme séduit sur son passage un peu malgré lui », dévoile la chef de produit. Sans préjuger du résultat final, il est probable que la campagne du « White now men » fasse à nouveau grincer les dents des féministes.

Corinne Bouchouchi

 

Le Point

Journée de la femme : un Tumblr dénonce le sexisme en politique

Des élues écologistes posent pour des photos sur lesquelles elles affichent la phrase la « plus sexiste » qu’elles aient entendue en tant que militantes.

À l’occasion de la Journée mondiale des droits des femmes, des élues écologistes ont posé sur des photos diffusées sur Twitter où elles affichent la phrase la « plus sexiste » qu’elles aient entendue en tant que militantes. L’opération « Et sinon… je fais de la politique » (#SinonJeFaisDeLaPolitique) est menée sur Twitter par Karima Delli, eurodéputée Europe Écologie-Les Verts (EELV) pour qui « combattre les inégalités entre les hommes et les femmes est une tâche ardue, qui nous préoccupe tout au long de l’année, et pas seulement le 8 mars ». « Messieurs, plutôt que de vous sermonner, j’ai décidé de vous faire ce cadeau, un Tumblr en hommage à votre sexisme ordinaire », écrit-elle.

Elle-même pose avec la phrase « Votre discours était très technique pour une femme », alors que Marie- Christine Blandin, sénatrice EELV du Nord, affiche : « Si elle n’est pas capable de mener deux mandats à la fois, elle n’a qu’à retourner au repassage. » « Eh, dis donc, cocotte, t’es pas très photogénique », a entendu Marion Lepresle, adjointe au maire à Amiens, ou encore « Qu’est-ce qu’elle veut, la bonne femme… », pour Michèle Cahu, conseillère régionale en Picardie.

« Le sexisme ne s’arrête pas aux frontières du monde politique, bien au contraire, mais ces anecdotes nous démontrent à quel point le chemin est long », estime Karima Delli.

Rappel à l’ordre

Un député apparenté UMP, Phlippe Le Ray, avait reçu en octobre « un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal » du président de l’Assemblée pour sexisme après avoir imité le caquetage d’une poule pendant le discours d’une collègue dans l’hémicycle. En juillet 2012, la ministre du Logement, l’écologiste Cécile Duflot y avait été accueillie par des sifflets parce qu’elle portait une robe.

source AFP

 

Le Figaro

Pour la première fois, un rapport publié ce mercredi par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) présente l’ampleur des violences à l’encontre des femmes dans les 28 pays de l’UE.

Et les résultats de cette enquête, demandée par le Parlement européen et basée sur des entretiens avec 42 000 femmes, sont alarmants. Cinq enseignements à retenir.

La violence est partout, et elle est sous-évaluée

Agressions sexuelles, viols, harcèlement… Dans l’Union européenne, la violence est partout. 33 % des femmes interrogées ont été victimes de violence physique et/ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans. « Une personne sur trois, c’est absolument choquant », reconnaît le chef de la communication de l’agence, Friso Roscam Abbing. Pour lui, « aucun des 28 pays membres » ne fait office de bon élève, et il craint que ces chiffres ne soient que « la partie émergée de l’iceberg », beaucoup de femmes n’ayant sans doute pas voulu tout dire aux enquêteurs de la FRA. L’étude indique notamment que 5 % des Européennes ont subi un viol et que 55 % ont déjà été victimes d’une forme de harcèlement. Et cette violence reste trop souvent passée sous silence, puisque 67 % des femmes qui en ont été victimes n’ont pas signalé à la police ou à une organisation d’aide l’acte de violence le plus grave qu’elles ont subi.

Les pays nordiques pointés du doigt, mais…

Si la violence est partout, elle n’est pas répartie de la même manière. Dans le rapport, les chiffres pointent du doigt les pays du Nord, comme la Finlande, la Suède, le Danemark… Un constat qui s’explique de plusieurs manières, comme la criminalité globale du pays, la consommation d’alcool, le pourcentage des femmes qui travaillent et qui sont donc, explique Friso Roscam Abbing, davantage exposées à des violences extérieurs potentielles, comme le harcèlement au travail. Le directeur de la communication de la FRA met toutefois en avant un facteur important : « celui, culturel, de la capacité des femmes à parler ouvertement des violences qu’elles ont subies ». On peut ainsi supposer que les Suédoises ou les Finlandaises ont accepté de parler plus librement que d’autres, comme les Polonaises par exemple, dans un pays où la religion a un poids très important et où « certaines familles n’acceptaient pas que les femmes se confient à nos enquêteurs », indique Friso Roscam Abbing. Selon lui donc, « il ne faut pas nier l’importance des chiffres concernant les pays scandinaves, mais il faut craindre qu’ils soient en réalité beaucoup plus importants dans les pays qui se trouvent en bas du tableau ».

La France doit faire beaucoup mieux

Les résultats de l’enquête concernant la France sont inquiétants. 44 % des femmes interrogées affirment avoir subi des violences depuis l’âge de 15 ans et 47 % disent en avoir subi avant cet âge-là. 29 % des Françaises ont notamment connu une forme de « traque furtive ». « Il existe certaines bonnes pratiques en France, notamment concernant l’assistance aux victimes. Mais le besoin de prévention reste crucial, et ce dès le plus jeune âge », explique Friso Roscam Abbing, qui recommande des campagnes de sensibilisation ciblant également les hommes.

La traque furtive, un phénomène qui prend de l’ampleur

La FRA ne s’attendait pas à de tels chiffres : 18 % des Européennes ont été victimes de « stalking » (traque furtive). Réception à répétition de messages insultants par téléphone, courrier ou internet, appels menaçants, femmes suivies dans la rue… Parmi ces personnes traquées, 1 sur 5 l’ont même été pendant plus de de deux ans, si bien que 23 % ont été obligées de changer d’adresse de messagerie ou de numéro de téléphone. Pour Friso Roscam Abbing, « ce phénomène a tendance à prendre de l’ampleur, notamment le « cyberstalking », facilité les outils comme les SMS ou internet ».

Des conséquences parfois dévastatrices

L’enquête ne s’intéresse pas seulement aux violences mais aussi aux conséquences émotionnelles et psychologiques qui « peuvent être durables et profondément enracinées », selon l’étude. Celle-ci révèle notamment que 21 % des victimes ont été en proie à des crises de panique après un incident et que 35 % sont devenues dépressives. 43 % d’entre elles ont également éprouvé des difficultés dans une nouvelle relation.

Anne-Laure Frémont

 

La Dépêche

Journée de la femme : des acquis à défendre

C’est aujourd’hui la journée internationale de la femme. Si globalement, la condition féminine tend à s’améliorer, notamment en France, ce combat n’est jamais acquis, et certains veulent un retour en arrière. L’Espagne restreint l’avortement, et en France, certains approuvent…

Le combat pour les droits des femmes ressemble parfois à ce rocher de Sisyphe, qu’il faut sans cesse pousser parce qu’il menace sans cesse de retomber. Dans la longue histoire de l’émancipation féminine, rien n’est vraiment acquis.

Pour l’instant, l’Hexagone semble ne pas souhaiter de retour en arrière. Mais sous la pression des catholiques purs et durs, l’Espagne, qui bénéficiait d’une législation sur l’avortement les plus souples d’Europe, s’apprête à faire machine arrière. Et veut imposer un texte extrêmement restrictif. Une décision d’autant plus incompréhensible que trois Espagnols sur quatre considèrent qu’il s’agissait d’une bonne loi, et que ces dernières années, le nombre des IVG était en baisse de 5 %. Aujourd’hui, à travers tout le pays, les Espagnol(e) s défileront contre la loi de Mariano Rajoy.

Ce mouvement anti-avortement n’est pas isolé. Aux États-Unis, depuis longtemps, les «pro-life», extrémistes chrétiens et autres «tea party» vont parfois jusqu’à tuer des médecins qui pratiquent l’IVG. En Angleterre, des cliniques «militantes» tentent de dissuader les candidates à l’avortement. Tout comme en France, il a fallu à la ministre des Droits de la Femme batailler sur internet : des sites anti-IVG se glissaient en haut des pages de recherche sur Google…

En France, la militante du Printemps français Béatrice Bourge a déclaré vouloir s’imposer «8 millions de minutes de silence : depuis 1975, 8 millions d’enfants, ont été génocidés (sic) dans des IVG». En janvier, l’Assemblée nationale a supprimé la notion de «détresse» pour l’IVG : «Une provocation» pour la très droitière députée Christine Boutin. «Il faut affirmer, au niveau européen, que le droit d’une femme à disposer de son corps ne peut être remis en cause», indique à l’inverse Virginie Rozière, tête de liste aux élection européennes dans la région du Grand Sud-ouest.

Et les droits des femmes à travers le monde ? On ne peut que se réjouir pour les femmes de Tombouctou, qui ont été libérées l’an passé par les soldats français, du joug des obscurantistes islamiques au nord du Mali. Au Pakistan, la petite Malala Yousafzi, grièvement blessée par des fanatiques pour son combat, n’a pas eu le Prix Nobel de la paix, mais sa nomination pour cette distinction est en soi une victoire.

Enfin, en Tunisie aussi les droits des femmes étaient menacés par le parti islamiste Ennahda. Ils ont été préservés dans une nouvelle constitution qui garantit l’égalité et la parité. Des raisons de rester optimiste, mais surtout vigilant.

Dominique Delpiroux

 

 Le Parisien

Hollande : le combat pour les droits des femmes est «permanent»

Peut mieux faire. C’est l’appréciation donnée ce samedi par François Hollande à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. «Chaque génération a son combat, mais il y a des combats permanents pour les femmes, il y a des lignes qui n’ont pas encore été franchies», a déclaré le chef de l’État lors d’une longue rencontre avec les femmes de quatre familles représentant trois générations, organisée au ministère des Droits des femmes

Notant une amélioration de la place des femmes dans l’exécutif, il a toutefois jugé que des progrès restaient à faire pour promouvoir leur place dans les ministères régaliens. «Il faut qu’aucun des ministères n’échappe à cet objectif de parité», a-t-il dit, au côté de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.

Il s’est également préoccupé de l’orientation des jeunes filles dans le système éducatif. «Maintenir des systèmes d’orientation qui ne mettent pas les filles dans les filières d’avenir, c’est non seulement un coût à la personne», mais «un handicap de plus pour la France», «un gâchis considérable sur le plan économique», a jugé François Hollande.

Rappelant que le chômage touchait davantage les femmes que les hommes, il a également souligné que «les petites retraites sont souvent le lot des femmes», notamment les agricultrices qui ont souvent «beaucoup travaillé sans être toujours déclarées». Des systèmes de «rattrapage» doivent être mis en place, «nous aurons des résultats, même si c’est long», a-t-il ajouté. Il a également réaffirmé que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale était «un enjeu de société».

Dans les progrès pour les droits des femmes, «rien n’est acquis, la lutte de plusieurs générations peut être à un moment mise en cause. Tout est fragile, vulnérable», a mis en garde le président de la République. Quant aux stéréotypes sexistes, ce sont «les plus difficiles à chasser», a-t-il noté, soulignant que, malheureusement, «la loi ne peut pas interdire la bêtise».

Le chef de l’Etat devait, après cette rencontre, déjeuner avec des femmes dirigeantes d’entreprises et assister en fin de journée à l’Élysée à la projection d’un film sur le rôle des femmes durant la Première Guerre mondiale intitulé : «Elles étaient en guerre».

 

Le Parisien

Journée de la Femme : les musées célèbrent la femme

A l’occasion de la journée de la femme, samedi 8 mars, plusieurs musées à Paris et en province organisent des journées spéciales.
Au musée du Quai Branly
, c’est l’artiste anglaise Nancy Cunard (1896-1965) qui est à l’honneur. Cette journaliste et poétesse a été très impliquée dans la cause féministe, dans la lutte contre la ségrégation raciale. D’autres grandes figures féminines des années 1930 seront aussi évoquées.

De tout temps, la femme a souvent été un objet d’inspiration. Venus de Milo ou Mona Lisa : le Louvre propose une visite sur la représentation de la femme dans les chefs-d’oeuvre.

Le Petit Palais met à l’honneur les plus grandes figures féminines à travers des ateliers et des visites guidées des collections permanentes : lors des ateliers, les participants sont invités à prendre une œuvre en modèle et de réaliser un portrait féminin au trois crayon (sanguine, pierre noire et craie blanche) alors que les visites permettent de découvrir un panorama de la représentation des femmes dans l’art.
La Maison de l’UNESCO : propose une expo en invitant 7 artistes à présenter leurs travaux en rapport avec l’égalité hommes/femmes ; sept femmes artistes, habitant l’Azerbaïdjan, le Bangladesh, le Bénin, la Bolivie, la Bulgarie, le Canada (Québec), la Russie et le Pérou.
Enfin à Paris, si la vie de Marie-Antoinette a encore des secrets pour vous ou que vous vous intéressez aux femmes au XVIII e siècle, le musée Carnavalet propose des visites autour de ces deux thèmes.
A Lyon : le Musée des Beaux Arts de Lyon propose des parcours thématique Femmes et visites commentées « Évocation de femmes »
Tour à tour modèle, muse, mécène, femme de pouvoir, artiste ou anonyme, découvrez treize figures de femmes emblématiques, de l’Antiquité à nos jours. Le Parcours femmes est gratuit et disponible à l’accueil du musée.
A Toulouse, le Musée des Augustins accueillera un spectacle de danse, décliné en trois temps directement inspirés du travail de la chorégraphe Nathalie Desmarest.

 

Huffingtonpost.fr

Les femmes et les « métiers d’hommes »: retour sur un siècle de « work in progress »

JOURNEE DE LA FEMME – Puisqu’il est question d’un centenaire, revenons cent ans en arrière. Le 8 mars 1914, l’archiduc François Ferdinand était encore en vie, l’Allemagne n’avait pas déclaré la guerre à la France et Verdun n’était qu’une ville parmi d’autres sur la carte. Le même jour néanmoins, des femmes manifestaient en Russie tandis que, de l’autre côté du Rhin, les suffragettes réclamaient le droit de vote qu’elles obtiendraient quatre ans plus tard à l’issue du premier conflit mondial.

Cette effervescence européenne un 8 mars 1914 pourrait étonner… À tort. car depuis qu’elle a vu le jour lors de la 2e conférence internationale des femmes socialistes, à Copenhague en août 1910, l’idée d’une journée internationale des femmes agite les milieux féministes ancrés à gauche. Avant-gardiste cette journée? Plutôt en accord avec cette époque, que l’on dira rétrospectivement belle. Car si dans l’imaginaire collectif, la Grande Guerre propulsa les femmes, obligées de remplacer les hommes partis au front, à l’usine, bref dans ces métiers d’hommes où les hommes n’étaient plus, l’idée relève davantage de l’image d’Épinal que de la réalité.

À cette image justement, s’en substituent d’autres. Ce sont des centaines de cartes postales datant du début du siècle exhumées par la chercheuse Juliette Rennes(EHESS). Avocates, cochères, doctoresse, factrice, gendarme et même… militaire, elles représentent des femmes exerçant ces métiers d’hommes dont elles avaient été jusque là tenues à l’écart. Une révolution (voir notre diaporama en fin d’article).

Mauvais genre

Comme la journée de la femme, « de nombreuses conquêtes féministes datent d’avant la guerre de 14 », rappelle la chercheuse, auteure de Femmes en métiers d’hommes : cartes postales : 1890-1920″ de Juliette Rennes (Bleu autour, éd.). La mise en scène des photographies, les légendes qui les accompagnent et les mots rédigés par les contemporains à leur dos en témoignent: à la Belle époque, la société porte un regard curieux, amusé, mais aussi mâtiné de peur sur ces nouvelles femmes.

Car travailler dans un métier d’homme c’est s’approprier, les caractéristiques de l’autre genre, mais aussi ses comportements, au moins dans la caricature. La femme qui exerce un métier d’homme fume, porte des pantalons ou encore boit un coup au bistrot lorsqu’elle est cochère. Lorsqu’elle est avocate, elle plaide, ce qui suscite la peur que les jugements soit faussés par ses atours tandis que pour les hommes qui exercent une profession libérale, ces nouvelles arrivantes sont autant de concurrentes dont ils se passeraient bien.

Des femmes dans des métiers d’hommes? À l’image du mariage pour tous ou des fantasmes sur la théorie du genre aujourd’hui, le débat fait alors rage, partout, tout le temps, à commencer par la Chambre des députés, l’équivalent de notre Assemblée nationale.

Exemple avec les avocates et celle qui pourraient être leur marraine, Jeanne Chauvin. En 1892, elle obtient son doctorat de droit et demande à prêter serment devant le Barreau de Paris en 1897. L’ordre des avocats refuse, les féministes se mobilisent, une partie du barreau se contre-mobilise jusqu’à ce qu’une proposition de loi autorisant les femmes à plaider soit finalement votée, ce sera la loi du 1er décembre 1900.

« À la Belle époque, l’inquiétude devant ces femmes qui exercent des métiers d’hommes est comparable aux craintes suscitées aujourd’hui par le mariage pour tous parce qu’ils remettent en cause une hiérarchie des genres et révèlent le caractère fragile de l’identité des sexes », résume Juliette Rennes. Des certitudes vacillent, des croyances fondamentales sont profondément remises en cause: plus de cent ans avant le mariage gay ou encore le bouillonnement provoqué par les rumeurs d’enseignement d’une hypothétique théorie du genre à l’école, en ce début du XXe, les situations se ressemblent, preuve que la question du genre et de l’emploi est toujours devant nous.

Y’a-t-il une pilote dans l’avion ?

« Le cockpit d’un avion n’est pas un endroit adapté pour une femme. Le fait d’être mère est le plus grand des honneurs pour une femme, pas d’être capitaine ». Griffonnés à la hâte sur une serviette de papier, ces quelques mots ne datent pas de 1914, ni même de 1974, mais bien de 2014. Leur auteur? Un client de la compagnie aérienne canadienne WestJet manifestement peu enthousiaste à l’idée que la cabine de pilotage soit occupée par une femme. Réponse de l’intéressée, sur sa page Facebook: « Cher David, merci pour la note que vous avez laissée discrètement sur votre siège. Je ne partage pas votre opinion selon laquelle le cockpit (que nous appelons maintenant cabine de pilotage puisqu’un pénis n’est plus nécessaire [jeu de mot avec « cock », NDLR]) n’est pas un endroit pour une femme. En fait, il n’existe plus d’endroits qui ne soient pas pour les femmes. »

La compagnie aérienne précisa quant à elle que le poste de commandant de bord est ouvert aux femmes depuis 1996. Au-delà du fait qu’il existe encore des personnes capables de ce type de préjugés quant aux capacités réelles ou supposées des femmes, cette anecdote raconte autre chose. Dans les avions, il y a des hôtesses, des stewards, mais une femme dans la cabine de pilotage relève davantage de l’exception que de la règle. Si, en France, seuls quelques rares métiers demeurent interdits aux femmes, comme sous-marinier ou encore certains métiers du bâtiments, la ségrégation professionnelle entre hommes et femmes demeure très forte.

Un chiffre en témoigne. Selon une étude de la Dares publiée fin 2013, pour aboutir à une répartition égalitaire des femmes et des hommes dans les différents métiers, il faudrait que la moitié des femmes (ou des hommes) changent de profession. La bonne nouvelle? Cet indice de ségrégation a diminué de 4 points entre 1983 et 2011.

Mais derrière cet indéniable surcroît d’égalité, une autre réalité se dessine. C’est celle d’une majorité de métiers à dominance masculine plutôt, c’est aussi celle de professions très fortement assignés à des genres. S’il y a moins de métiers d’hommes qu’avant, à l’inverse la féminisation de certains métiers demeure puissante. Parmi les 10 professions où les femmes sont les plus nombreuses (aides à domicile et ménagères, agents d’entretien, aides-soignant, infirmiers, sage-femmes…), il y a proportionnellement plus de femmes que d’hommes parmi les 10 métiers qui comptent le plus d’hommes (conducteurs, ouvriers qualifiés du bâtiment, techniciens, armée, police, pompiers…).

En trente ans, des métiers qui étaient mixtes se sont « masculinisés », notamment parmi les ouvriers non qualifiés de la manutention ou les agriculteurs. La raison, les conjointes des agriculteurs ne travaillent plus dans leur exploitation. Dans le même temps, d’autres métiers mixtes au cours des années 1980 se sont quant à eux féminisés. C’est le cas des professions de techniciens des services administratifs, comptables et financiers, mais aussi de la banque et des assurances. La seule profession féminine qui est devenue mixte va quant à elle vous étonner: il s’agit des employés ou des opérateurs… de l’informatique.

La répartition par genre demeure donc puissante, elle est aussi inégalitaire. La ségrégation est plus importante pour les jeunes, les parents de trois enfants ou plus, les personnes de nationalité étrangères, ou celles qui vivent en province par rapport à Paris et dépend aussi du diplôme.

C’est une constante depuis les années 1980, les hommes et les femmes les plus diplômés occupent de plus en plus les mêmes emplois. « La réussite scolaire des filles a permis une montée des qualifications et leur accès à des métiers autrement occupés essentiellement par des hommes », précise la Dares. Parmi les 5 métiers majoritairement « masculins » qui sont devenus mixtes au cours des trente dernières années, tous sont des emplois qualifiés: cadres administratifs comptables et financiers, cadres de la fonction publique, cadres des banques et des assurances, attachés commerciaux et représentants.

La science fait de la résistance

Ce qui ne veut pas dire qu’un diplôme garantie l’accès un métier moins ségrégé. La preuve par la science, où les femmes font encore cruellement défaut.

Au collège comme au lycée, les filles ont pourtant de meilleurs résultats que les garçons. Plus nombreuses à obtenir le brevet ou le bac général, elles sont en revanche moins nombreuses que les garçons à intégrer une 1re scientifique, alors qu’arrivées en classes préparatoires, ça se dégrade à nouveau. En termes de publications scientifiques signées par des femmes, la France fait tout de même mieux que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine ou encore l’Allemagne, mais moins bien que les pays d’Amérique du Sud ou de l’ex-bloc de l’Est où la règle est à la parité remarquait récemment la prestigieuse revue Nature.

Les raisons? Elles sont multiples. « C’est avant tout une question d’éducation même si, de manière générale, l’abstraction n’attire pas tellement les femmes », remarquePascale Vicat-Blanc, chercheuse, dirigeante d’une entreprise de recherche en informatique et lauréate 2013 du prix de l’innovation lnria – Académie des sciences – Dassault Systèmes.

« Beaucoup de jeunes femmes très fortes en sciences vont se diriger vers la médecine », continue-t-elle. Un comble selon la chercheuse, d’autant plus que « les femmes ont ce goût de la perfection et de l’efficacité qui fait parfois défaut aux hommes ». Problème, lorsqu’elles arrivent aux portes du monde de la recherche, les femmes s’interdiraient de franchir le pas. « En matière d’avancement et de recrutement, il y a quelque chose qui relève typiquement des femmes en termes de manque de confiance », a-t-elle remarqué.

Retour au genre donc. « Entre le début du XXè siècle et aujourd’hui, l’évolution est phénoménale d’un côté, tandis que d’un autre, les situations se ressemblent », résume Juliette Rennes.

« Aujourd’hui, les frontières entre métiers d’hommes et de femmes se sont recomposées et la vraie question est celle de l’ouverture des possibles ». C’est aussi celle des représentations sociales, « ceux qui dénonçaient récemment un prétendu enseignement de la théorie du genre l’ont bien senti, » remarque-t-elle.

« Les parcours sociaux, familiaux et professionnels des hommes et des femmes ne peuvent être la simple résultante de préférences individuelles, ils résultent aussi des systèmes de représentations figés, de clichés de ce qui fait traditionnellement le masculin et le féminin », affirmait opportunément un rapport récent du Commissariat général à la stratégie sur la lutte contre les stéréotypes filles-garçons remis à la ministre du Droit des femmes Najat Vallaud-Belkacem.

Cette donnée, certains acteurs inattendus mais non moins importants, en sont particulièrement conscients. C’est par exemple le cas de la banque d’image Getty qui s’est récemment associée à la fondation Lean In, créée par la dirigeante de Facebook Sheryl Sandberg pour renouveler son stock d’images représentant des femmes.

Au travail, en famille, dans la vie de tous les jours, l’objectif de ces quelques 2.500 visuels qui seront utilisés par des journalistes, des publicitaires et des créatifs est clair: actualiser l’image des femmes, pour faire évoluer la mentalités de tous. Plus que jamais, la question des femmes et des « métiers d’hommes » est un work in progress.

Stanislas Kraland

 

lejournal.cnrs.fr

La philosophe Sandra Laugier fait le point sur les travaux scientifiques menés sur le genre au CNRS et sur leurs enjeux.

Oui, le CNRS soutient la recherche sur le genre : depuis longtemps à travers la Mission pour la place des femmes et des programmes dans ses laboratoires, plus récemment avec l’ouverture de postes de chercheur(e)s affichés « genre », avec la création du Groupement d’intérêt scientifique Institut du genre et le lancement par la Mission interdisciplinarité du Défi Genre. Ailleurs, le domaine du genre est affiché dans de nombreux ­programmes de ­recherche internationaux, dans le programme européen Horizon 2020, et dans celui de la National Science Foundation (NSF) aux USA.

Comment est-ce possible ? Le genre serait, à entendre diverses critiques, une « théorie », qui nie la différence des sexes et tente de s’imposer dans les programmes scolaires avec un agenda idéologique sulfureux. Or s’il n’existe pas UNE « théorie du genre », de nombreux travaux scientifiques, en théorisant le genre, s’attachent à montrer le caractère social des représentations du masculin et du féminin et les rapports de pouvoir qui produisent les inégalités entre les sexes.

 

Une mise en cause du savoir

Alors pourquoi cette campagne ­dénonçant la « théorie du genre », qui a même conduit le gouvernement à reculer sur des projets de réforme urgents ? Remarquons que qualifier un savoir de « théorie », avec une tonalité dévalorisante (alors que toute science propose des théories !) est une stratégie éprouvée de l’obscurantisme militant. Les créationnistes aux États-Unis qualifient la science de l’évolution de « théorie » pour tenter d’empêcher ce savoir impie de se répandre dans les écoles. Un épisode souvent cité par les épistémologues est celui du jugement de la Cour fédérale, en 2002, condamnant un lycée d’Atlanta dont la direction avait, sous la pression de certains parents, fait apposer sur les manuels de biologie des élèves un ­sticker : « L’évolution est une théorie, pas une certitude » – « une théorie de l’origine des êtres vivants qui doit être approchée avec prudence et esprit critique. »

 

Les études ont pointé l’erreur à ne pas tenir compte de la ­variable“genre” dans les recherches.

Jeter le doute sur des connaissances ­acquises : c’est la méthode de ceux qui qualifient de pure « théorie » ce qui relève des faits et veulent nier l’évidence. Que nous apprend la science de l’évolution, sinon que l’humain fait partie des animaux et n’a pas de privilège au sein de la nature, sinon la place qu’il s’est faite ? Que nous apprend la science du genre, sinon que la différence des sexes, une différence parmi tant d’autres, ne devrait pas faire de différence dans le destin social des individus, et que pourtant elle entraîne partout des inégalités ?

On voit où se situe l’enjeu, qui est double, des attaques contre les études sur le genre. En premier lieu, il est d’ordre scientifique. L’objectif du réactionnaire antigenre est de faire croire que les études sur le genre ne sont pas de la science mais « une théorie ». Or la prise en compte du genre est avant tout une ­affaire scientifique, articulant « DES théories » et des faits (c’est ainsi que fonctionne la science, par des ensembles explicatifs fondés dans la preuve). D’abord développées par les sciences humaines et socia­les, les études ont pointé l’erreur à ne pas tenir compte de la ­variable « genre » dans les recherches. Elles ont montré, par exemple, que le travail ne se réduit pas à sa dimension profes­sionnelle ou productive, mais inclut le travail domestique, que les « droits de l’homme » n’incluent pas les femmes, etc. La ­méthode vaut pour les autres sciences : sous-­évaluation et traitements inadaptés des maladies cardiaques chez les femmes ou, à l’inverse, de l’ostéoporose chez les hommes. Les études sur le genre ont ainsi mis en évidence la prédominance du point de vue androcentré, qui, en s’ignorant comme tel, généralise à partir du cas particulier masculin.

 

Une question très politique

En second lieu, les recherches sur le genre, d’abord scientifiques, posent des questions politiques : elles font voir une réalité désagréable, celles d’inégalités injustifiables dans un ensemble de ­citoyens en principe égaux. C’est la cause profonde des attaques actuelles contre le genre. Ces recherches, et les faits qu’elles établissent, questionnent l’organisation traditionnelle de la famille, la domination masculine et l’hétéronormativité, les inégalités liées au sexe qui traversent notre société.

Le CNRS est l’acteur de la recherche et de l’enseignement supérieur le plus ­anciennement et fortement engagé en faveur des recherches sur le genre. Il les soutient en prenant en compte les enjeux de la recherche et de l’égalité comme inséparables. Les questions scientifiques sont des questions sociales. Développer la recherche sur le genre, c’est lutter pour la reconnaissance des inégalités et contre leurs causes, et aussi contre des préjugés qui attaquent la science elle-même. C’est l’engagement du CNRS, et le thème de la journée du 10 mars 2014 qui, sous la bannière des Nouvelles sciences du genre, réunira au CNRS des chercheur(e)s de toutes disciplines.

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