Programmes : les propositions de Mnémosyne

Nous avons souhaité participer à la consultation lancée par le ministère de l’éducation nationale pour les programmes de l’école primaire et du collège.
Nous avons d’une part, avec plus d’un dizaine d’autres associations, souligné l’absence du genre dans les nouveaux programmes et rappelé nos propositions communes
<https://mnemosyne-asso.com/a-propos-des-nouveaux-programmes-du-primaire-et-du-college/>

le 3 juin, à la Sorbonne nous avons participé au forum sur l’enseignement de l’histoire organisé par le CSP et retransmis sur France culture par la Fabrique de l’Histoire et sommes intervenus pour rappeler la nécessité d’une histoire mixte, non pas cantonnée  en un ou deux chapitres consacrés aux femmes, mais bien de manière transversale dans la totalité du programme.

Aujourd’hui, voici la contribution spécifique de l’association à propos des programmes d’histoire
Bonne lecture et n’hésitez pas à relayer nos proposition,

« Au nom de Mnémosyne, Association pour le développement de la recherche et de l’enseignement l’histoire des femmes et du genre, je vous prie de bien vouloir trouver ci-dessous nos propositions de modifications des projets de programme en Histoire pour l’école primaire et surtout le Collège (cycles  2, 3 et 4).

1. Remarques préalables

·      Le principe d’égalité filles/garçons est absent des programmes (sauf très ponctuellement) alors qu’il est fondamental dans la compréhension et l’explication des sociétés et du monde. Nous souhaitons qu’il apparaisse comme tel au service de toutes les disciplines et pour toutes les orientations d’éducation. Nous renvoyons aux prescriptions de la loi du 4 août 2014 ainsi qu’aux textes et directives officielles.

·      Les textes proposés sont quasi exclusivement rédigés au masculin. Nous souhaitons que leur rédaction soit au masculin ET AU FÉMININ (comme il a été retenu : « Les Françaises et les Français », nous proposons d’utiliser systématiquement les féminins : femmes et hommes, filles et garçons, citoyennes et citoyens,  ouvrières et ouvriers, etc.).

·      Les stéréotypes sexués ne doivent pas échapper à la vigilance de tout éducateur et de toute éducatrice. Il importe donc qu’ils soient pris en compte et fassent partie des prescriptions tant dans les orientations qu’au service de toutes les disciplines (sciences dures comme sciences sociales).

·      L’intégration d’une réflexion sur le genre et l’égalité dans les programmes des  différentes disciplines doit aider à comprendre comment les inégalités et les  préjugés se perpétuent, et permettre de mieux les combattre.

Après relecture des documents en consultation, voici quelques modifications et recommandations de nature à indiquer dans quel esprit nous appelons des modifications de programme:

2.  Les termes à mettre au féminin:

-Cycle 2 : CP-CE1-CE2

-page 41 : Comprendre les organisations du monde. Connaissances : Quelques modes de vie des hommes et des femmes…

-page 42 : Repères de progressivité : les élèves découvrent et comparent les modes de vie de quelques personnages, grands et petits, hommes et femmes (un paysan ou une  paysanne, un artisan ou une artisane, un ouvrier ou une ouvrière, soldat, puissant…)

-Cycle 3 : CM1-CM2-6ème

-volet 2 domaine 3 des objectifs du cycle 2 « …les droits…. et les devoirs qui incombent aux citoyens et aux citoyennes »;

-volet 3 du cycle 2 en « repères annuels de programmation d’histoire » en 6ème: « l’entrée des activités humaines dans l’agriculture et l’élevage interroge l’intervention des hommes et des femmes sur leur environnement. »

-Cycle 4 : 5ème-4eme-3ème

-page 7, Contributions essentielles au « Domaine 3 du socle commun », « la formation de la personne et du citoyen ». Enseignement moral et civique : Comprendre les enjeux de la laïcité, de la liberté de conscience et de l’égalité des citoyens hommes et femmes.

-Page 9, contribution essentielle au « Domaine 5 du socle commun », « les représentations du monde et de l’activité humaine », Enseignement moral et civique : Expliquer le sens et l’importance de l’engagement individuel ou collectif des citoyens et des citoyennes dans une démocratie.

– l’intitulé du thème 3 du programme de 3ème, page 40 mentionne « Les Françaises et les Français en République de 1944 à nos jours ». Il est pertinent. Par conséquent d’autres thèmes et d’autres titres similaires devraient figurer : « Hommes et femmes de la Révolution », « Les ouvriers et les ouvrières au XIXème siècle », etc

– Annexe : piste pour des travaux interdisciplinaires, page 58 : « à quoi ressemblons-nous » : « Femme et homme, une question de genre. »

3. Libellés des thèmes et contenus annoncés de certaines leçons : nos propositions

-CM1, thèmes 2 et 3 : la France d’avant la France  et le temps des Rois : outre la dimension obsolète du questionnement initial, on peut imaginer un questionnement sur la construction du pouvoir royal qui intègre une réflexion sur la masculinité du pouvoir (avec par exemple une référence à la loi salique). On peut souligner aussi l’importance de certaines femmes dans la vie politique française (des régentes par exemple) et l’importance des échanges matrimoniaux dans la politique royale, par le biais des dots. Dans les repères de programmation, on peut ajouter des figures féminines comme Blanche de Castille, Jeanne d’Arc, Catherine de Medicis.

-CM2 : thème 1, Le temps de la République

*On peut non seulement montrer que les Français ont vécu différentes expériences politiques depuis la révolution, mais aussi que la république n’a pas la même signification pour les hommes et les femmes, qui ne peuvent voter, alors que les lois constitutionnelles de la IIIème République se réfèrent au Suffrage dit Universel (mais exclusivement masculin) pour les élections. On peut se demander si droits et devoirs sont les mêmes pour les deux sexes. On peut questionner le choix de Marianne comme symbole.

*On peut préciser les caractéristiques des lois Ferry et insister sur les différences d’objectifs d’éducation des filles et des garçons ; on peut évoquer les programmes scolaires spécifiques des filles, la rareté de l’enseignement secondaire féminin et l’absence de bac.

-CM2 : thème 2 : l’âge industriel en France

*Le travail à la mine, à l’usine, à l’atelier, au grand magasin : préciser les modalités du travail des hommes et des femmes, dans la répartition des tâches, la hiérarchie, la qualification, les salaires, les revendications.

*le monde rural : même questionnement relatif au genre.

Page 40

-5ème : Thème 1 : *l’Islam, débuts, expansion, sociétés et cultures : on peut, dans la partie société, inciter à s’interroger sur « hommes et femmes dans le Coran et le nouvel Empire ».

Thème 2 : *Une société rurale encadrée par l’Église, conserver l’orientation du précédent programme qui incitait à distinguer travaux masculins et féminins dans les campagnes.

*Essor des villes et éducation : dans l’étude des sociétés urbaines, on peut aussi mettre en place la distinction des genres dans le rapport à la famille, au travail, au pouvoir politique.

*La construction du Royaume de France et l’affirmation du pouvoir royal :  spécificité du modèle « français » qui exclut les femmes de la succession, même si les reines sont sacrées. Cette exclusion des femmes de la politique se renforce avec la monarchie absolue, qui consacre la sujétion des femmes (Thème 3).

-4ème :

-Thème 1 : Le monde dominé par l’Europe : empires coloniaux, échanges commerciaux, traites négrières. On peut ici aborder l’impact de la traite sur les sociétés africaines et la situation des hommes et des femmes déportées (division raciale et sexuelle du travail) : proposition : « Hommes et femmes dans les sociétés négrières ».

*Sociétés et cultures au temps des Lumières : ne pas oublier de citer des femmes parmi les penseurs des Lumières, par exemple Émilie du Chatelet ainsi que les « salonnières ».

*la Révolution française et l’Empire : « Hommes et femmes de la Révolution française  et de l’Empire». Discuter la notion d’Homme dans la DDHC en un sens dit universaliste. Souligner la présence des femmes dans de nombreux épisodes clés de la Révolution, en dépit de leur éviction du pouvoir législatif. Un extrait de la « déclaration des droits de la femme » d’Olympe de Gouges peut être présentée en contrepoint. Napoléon modifie fortement et pour très longtemps les rapports hommes femmes en imposant une nouvelle hiérarchie des sexes et transformant les femmes en mineures perpétuelles (étudier quelques articles du Code Civil).

-Thème 2 : Le XIXème siècle : un bouleversement inédit des économies, des sociétés et des cultures.

Hommes et femmes participent à l’industrialisation, qui modifie les modes de production et les rapports entre les sexes. Dans le textile les femmes sont majoritaires (de 60 à 90% des ateliers et manufactures) alors que dans la mine et les autres industries, elles sont minoritaires.

Les représentations du travail féminin à l’usine diffèrent de celles du travail masculin. La situation professionnelle des deux sexes est difficile mais la subordination des femmes dans le monde de l’industrie est double ou triple (hiérarchie des prolétaires, hiérarchie patronale, hiérarchisation masculine au travail et dans la vie domestique). Le développement de l’instruction et du secteur tertiaire à la Belle Époque entraîne des transformations sociales et culturelles importantes, surtout dans les villes.

-Thème 3 : D’un siècle à l’autre : la transformation du monde

*Construire, affirmer, consolider la République en France : Outre l’histoire classique de la IIIème République et de ses grands moments, on peut revenir sur le problème de la citoyenneté des femmes et retracer l’histoire du premier féminisme et du suffragisme (évoquer des personnages important comme Hubertine Auclert et Marguerite Durand).

*La première Guerre mondiale et les violences de guerre : brutalisation et mise à l’épreuve des sociétés. Hommes et femmes (Le front/l’arrière les zones occupées) bouleversés.

-3ème :

– Thème 1 : le libellé « Les femmes au cœur des sociétés qui changent » du thème « De Versailles à Nuremberg » (qui n’est pas obligatoire !) devrait être reconsidéré : « la place des femmes et des hommes au cœur des transformations sociales  XXème et XXIème siècles »

àeffectivement ce chapitre isolé dans le Thème 1 est étrange. Il serait intéressant de le supprimer et de placer un quatrième thème sur les transformations sociales, culturelles et artistiques au XXème siècle, qu’on pourrait reformuler de la façon suivante : « La place des hommes et femmes dans les transformations sociales, culturelles et artistiques du XXème siècle ». Cela permettrait en plus de travailler aussi sur l’art de la seconde moitié du XXème siècle. On intégrerait donc à ce thème 4 le chapitre obligatoire intitulé : « Les France des années 60-70, une société en mutation ». Cela deviendrait un thème obligatoire.

4. Remarques annexes

-Concernant  la dualité questions obligatoires et questions facultative, le choix devrait relever de la liberté pédagogique sous réserve qu’une énonciation initiale des grandes questions soit abordées sur l’ensemble du cursus : les trois monothéismes, les sociétés médiévales, l’Ancien Régime, la Révolution Française, les Républiques, les deux Guerres mondiales, les totalitarismes, la colonisation et le décolonisation, ….

– les mots « égalité », « parité », « mixité », et « genre » (sauf pour la grammaire) ne sont jamais cités en Histoire et rarement ailleurs. Ils ont pourtant toute leur place à la fois comme concepts et comme terminologie historique et politique. L’éducation civique et l’EPS ne doivent pas être le seul « réduit » de l’égalité filles-garçons : « Les droits égaux des garçons et des filles dans toutes les situations de la vie scolaire », « Le respect du corps entre les filles et les garçons en EPS ». L’application du principe de l’égalité fille-garçon relève de toutes les disciplines, donc de l’Histoire !

Signé : Mnémosyne »

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